Vendredi, Juin 13, 2025

Retour sur les 10 ans de Bretania : Entretien avec Gwenaël Carvou

Introduction

Projet porté par la Région Bretagne et l’Association Bretagne Culture Diversité, Bretania a fêté ses 10 ans en 2024. Cet agrégateur de contenus culturels patrimoniaux numériques, produits en Bretagne ou portant sur la Bretagne, rassemble aujourd’hui 30 contributeurs et donne librement accès à 550 000 notices d’œuvres du patrimoine breton. Une réalisation remarquable par sa portée, mais également par ses modalités de mise en œuvre. Gwenaël Carvou, chef de projet, interviewé en février 2024 à l’occasion des 10 ans de Bretania, revient sur la dynamique du projet.

Gwenaël Carvou est titulaire d’un master « Documentation et techniques de l’information et de la communication » de l’Université Bretagne Sud. Après avoir été chef de projet fonctionnel du projet Bretania au sein de l’Association Bretagne Culture Diversité, il pilote et coordonne le projet depuis 2018.

Cet entretien est également accessible au format PDF ici.

L’entretien avec Gwenaël Carvou

Peux-tu présenter l’histoire de Bretania ? Comment la solution d’un pilotage de la valorisation du patrimoine culturel numérique breton par une association s’est-elle imposée ?

Si on revient sur l’histoire de Bretania, le site a eu dix ans en 2024, mais il s’inscrit dans une histoire plus longue qui est très liée aux orientations stratégiques du Conseil régional de Bretagne. En effet, le Conseil régional, sous l’impulsion de Jean-Yves Le Drian et surtout de Jean-Michel Le Boulanger, souhaitait réfléchir à une nouvelle manière d’orienter son action par rapport à la culture de Bretagne, et avait commandé une étude à Charles Quimbert, directeur de Dastum, pour réfléchir à la façon de retravailler ce sujet de la, ou des, cultures en Bretagne. À l’issue de cette étude, plusieurs préconisations avaient été formulées, dont la création d’une association « Bretagne Culture Diversité », et également le souhait de ce qui avait été annoncé comme la création d’une bibliothèque numérique.

Ce projet de bibliothèque numérique a plutôt été pensé sur le modèle d’Europeana, c’est-à-dire que le choix, même s’il n’était pas explicitement annoncé de cette manière, relevait plus d’un agrégateur de métadonnées que d’une bibliothèque numérique comme Gallica, par exemple.

On avait ainsi un double mouvement : un mouvement associé à une nouvelle association voulue par le Conseil régional, mais portée par les associations culturelles (en effet, Bretagne Culture Diversité est une association avec un conseil d’administration et un bureau, dans laquelle sont représentées d’autres associations culturelles), et un autre mouvement à travers le souhait du Conseil régional de se doter d’un outil, un objet numérique qui permettrait d’accroître la visibilité des objets numérisés du patrimoine et de la culture à l’échelle bretonne.

L’idée était aussi d’animer ce projet, de créer un lieu de discussion et de mise en commun pour les producteurs de ces objets numérisés culturels et patrimoniaux. En effet, à l’époque, outre la base patrimoniale proposée par Dastum, les centres d’archives départementaux avaient déjà mis en ligne des fonds (notamment dans les Côtes-d’Armor). Le mouvement de mise en ligne des collections, de numérisation des fonds patrimoniaux, était général. Bretania a donc été pensée pour visibiliser cette offre, dans un contexte général de recherche de mise à disposition des collections sur le web.

Comment la dimension participative du projet s’est-elle mise en place ? Avec le recul, peut-on faire le bilan d’écueils à éviter pour mener un tel projet ? Y a-t-il au contraire des leviers qui peuvent être mis en évidence pour susciter et élargir les contributions ?

Le choix qui a été fait a été le recrutement de deux salariés qui ont constitué un binôme d’animateurs de Bretania : Jérôme Floury et moi-même.

Comme je le disais, il y a 10 ans, les grandes institutions réfléchissaient à mettre leurs collections en ligne, mais on n’était pas encore aussi avancé sur l’ouverture des données, l’ouverture des documents, la culture libre. Surtout parmi les institutions culturelles, il y avait une moins bonne compréhension de ce genre d’outils. Jérôme a fait un énorme travail pour rencontrer les institutions, les convaincre de l’utilité de mobiliser un réseau d’acteurs culturels, et les convaincre de l’intérêt de travailler sur un projet commun.

Les débuts ont été un peu compliqués, heureusement que le Conseil régional permettait d’avoir un appui institutionnel, et que de grosses structures telles que l’INA, pour la partie atlantique, ainsi que les Champs Libres ont donné une légitimité à ce projet. BCD venait d’être créée aussi, les deux se sont faits en même temps, et donc l’association était inconnue ; il fallait pouvoir convaincre ces institutions de l’intérêt du projet, sachant qu’il n’y avait rien à montrer au départ. Ça a été un énorme travail à mener pour convaincre, pour étoffer ce réseau, le créer en fait ex nihilo.

Au lancement, une quinzaine de contributeurs ont répondu présents. Ce noyau allait être le socle des premiers fonds intégrés dans Bretania. Puis Jérôme a fait une liste des institutions susceptibles d’intégrer le projet, et est allé rencontrer individuellement chacune d’entre elles.

Pour chaque contributeur, une convention de partenariat a été signée pour fixer les modalités de collaboration, mais le gros du travail a vraiment été de présenter le projet, son intérêt pour le contributeur, pour que la dynamique prenne. Au bout d’un certain temps, peut-être 5 ans, un peu plus, on avait moins de problèmes de légitimité, on avait plus de reconnaissance professionnelle, institutionnelle, donc on est passés à un stade où ce sont les futurs contributeurs qui venaient nous voir pour intégrer Bretania.

Peux-tu présenter quels ont été les choix techniques qui ont été faits, et expliquer quelle a été leur évolution ?

En parallèle, il fallait assurer un travail technique. Jérôme assurait la gestion globale du projet, la relation avec le Conseil régional, l’animation du réseau des contributeurs. J’étais, pour ma part, en charge des aspects techniques, au sens double : documentaires et informatiques. Cela comportait les relations avec les prestataires, la création, avec les prestataires, de l’outil numérique que l’on connaît aujourd’hui, et la mise en place des procédures pour intégrer les métadonnées. Construire le site, trouver des distributions pour valoriser les données, travailler sur une première forme de modélisation de ces données, et que tout cela prenne vie et soit cohérent. Tout cela a constitué un gros défi. Il fallait également, bien sûr, travailler avec les spécificités de chaque contributeur, spécificité métier et spécificité technique.

Les leviers et les freins ont évolué dans le temps. Au lancement du projet, les freins de légitimité ont été les plus importants. Maintenant, pour les nouveaux contributeurs, on va avoir des freins, mais qui dépendent du contexte technique de ces contributeurs.

Pour revenir un peu en arrière, on a fait un choix fort au lancement du portail, qui était de favoriser la diversité, en termes de contenu et en termes d’institution. On a souhaité ne pas mettre une marche trop haute pour entrer dans le projet, c’est-à-dire qu’on a un regard, bien sûr, sur la pertinence des fonds, mais on ne va pas reprocher à un contributeur le manque de qualité de ses données, le manque de structuration, ou la non-utilisation de référentiels. On a vraiment travaillé plutôt sur un mode inclusif. Mais ça, c’est un choix politique. C’est-à-dire qu’on souhaitait que des acteurs légitimes soient inclus, peu importe si le volet documentaire n’était pas bien développé ou si le volet technique était insuffisant. L’état d’esprit était de rechercher des solutions.

Les freins peuvent être multiples dans un contexte comme celui de Bretania : une petite association qui fait du collectage va plutôt avoir besoin d’un accompagnement documentaire, d’un accompagnement technique. Une grande institution ne va pas avoir les mêmes freins. D’un point de vue documentaire ou archivistique, il n’y aura aucun souci, on n’aura pas d’accompagnement à faire, bien sûr, on sera plutôt sur une aide à la mise en place des « tuyaux » techniques : est-ce que le logiciel est adapté, comment on procède ?

Si l’on doit aborder la question des facteurs de réussite, la diversité des fonds et des acteurs est importante. Même si, comme je l’indiquais, cela implique des petits soucis de qualité des données et parfois de gymnastique informatique, d’un point de vue plus politique, au sens noble du terme, on valorise, on implique les structures, et on offre un lieu d’échange et de discussion à des structures qui n’ont pas vocation à se rencontrer en temps normal.

La solution logicielle qui a été retenue dès le lancement du projet, suite à un appel à projet lancé par le Conseil régional, a été Ermes, puis Syracuse de la société Archimed. On est sur un SIGB, qui est un bon SIGB, mais comme on n’est pas une bibliothèque numérique, mais plutôt un agrégateur de données, on est obligé de détourner un petit peu la solution, de l’adapter à nos besoins, et nos besoins ne sont pas ceux d’une bibliothèque.

Archimed nous a accompagnés, bien évidemment, mais l’outil n’est pas le plus adapté, et, à l’époque, il n’existait pas vraiment sur le marché d’outil pour ça. C’est davantage la brique documentaire, Infodoc, qui est utilisée, mais qui est toujours très formatée « bibliothèques ».

Le logiciel, tel qu’il fonctionne, est optimisé pour être synchronisé comme catalogue structuré avec des catalogues tiers ayant la même structure, grâce à un protocole OAI-PMH. Dans ce contexte, globalement, on reste sur les mêmes formats de données. Dans le cas de Bretania, ce fonctionnement n’est pas optimal : on a des centres d’archives, on a des associations de collectages oraux, on a des bibliothèques, on a des musées aussi, qui n’ont pas la même manière de décrire leurs collections. On a donc trouvé un dénominateur commun à toutes ces structures, qui est le Dublin Core, mais on pourrait faire mieux.

À l’heure actuelle, les solutions commencent à émerger. On est à l’affût d’une solution qui nous permettrait de vraiment exploiter notre rôle d’agrégateur de données.

Vous êtes-vous posé la question d’un développement de solutions comme Omeka ?

Omeka est bien pour valoriser des collections, mais pas forcément adapté pour de l’agrégation à mon sens. Le modèle Europeana est intéressant à ce niveau-là, mais eux ont fait un développement qui leur est propre. Je crois que le modèle est partagé, mais avec des moyens qui ne sont pas les nôtres. Nous aurions besoin d’un accompagnement technique pour implémenter ce modèle, ce qu’Europeana ne peut pas fournir.

L’intégration des données s’est faite au fur et à mesure. C’est-à-dire qu’on a rédigé des préconisations pour les contributeurs, qui peuvent être bloquantes si on ne les respecte pas, et d’autres qui peuvent être « contournées ». La première question, c’est toujours la pertinence du fonds : est-ce qu’un fonds doit rentrer ou pas dans Bretania, sachant qu’on est le plus inclusif possible ?

Ensuite, il faut que les objets numérisés soient visibles, librement, sans abonnement. Par exemple, on n’a pas de catalogue de bibliothèque. On a eu des structures qui nous ont posé la question, mais il faut que les ouvrages, les documents ou les objets… soient directement accessibles sur le Net. Autre prérequis : c’est que l’accès au document corresponde à une URL, qui soit propre, et pérenne dans le meilleur des cas, ce qui n’est pas toujours respecté. Idéalement, il faut aussi qu’on puisse avoir accès à un visuel.

Ensuite, tout ce fonds intégré doit être décrit. On a fait le choix du Dublin Core parce que c’était le format de description qui est recommandé pour l’OAI-PMH. Le choix également qui a été fait, toujours sur le modèle d’Europeana, c’est de récupérer les notices en OAI-PMH. Par contre, on s’est bien rendu compte qu’il y a beaucoup de structures qui ne peuvent pas fournir ces notices selon ce protocole. Dans ce cas, on déploie d’autres solutions. On récupère ainsi les catalogues de diverses manières : certains contributeurs nous fournissent un fichier tabulaire, qui est intégré après retraitement dans Bretania.

Certains contributeurs déploient des API de consultation de leurs fonds ; je les consulte et ensuite, après traitement, je les intègre dans Bretania. Il y a en fait autant de scénarios techniques d’intégration que de contributeurs. À chaque fois, pour chaque intégration de nouveau fonds, c’est un travail sur mesure qui est fait.

On essaye d’être cohérents dans le format de nos données, mais on a des problèmes techniques que l’on aimerait pouvoir dépasser. Sachant que c’était un choix dès le début de ne pas laisser le contributeur seul dans son travail pour intégrer Bretania, on est toujours dans un accompagnement, dans une discussion. Il faut que ce soit pertinent, il faut que ce soit aussi possible, du point de vue humain, technique et financier, pour le contributeur, et il faut que nous puissions intégrer les ressources dans les meilleures conditions. Il y a toujours des allers-retours, un travail, un accompagnement auprès de chaque contributeur.

Avec le nouveau portail, quels enjeux identifies-tu et quelles sont les évolutions envisagées ?

Au départ de Jérôme Floury, on est parti d’un constat qui a conduit à reconfigurer l’équipe : tout ce travail qui a été fait pour aller convaincre des contributeurs était désormais moins important, on arrivait dans une phase où ce sont plutôt les contributeurs qui nous sollicitaient pour faire partie du projet.

Par contre, le travail documentaire était toujours aussi important, mais il nous a semblé opportun de travailler sur l’éditorialisation de ces fonds-là, toujours pour les rendre plus visibles. Délivrer une base de données telle quelle, c’est utile pour certains publics, mais ça invisibilise les fonds s’ils ne sont pas accompagnés par de l’éditorialisation. Un nouveau profil a donc été embauché, Marc-Antoine Ollivier, qui a démarré ce travail. Il a beaucoup réfléchi à la manière dont on peut faire parler les fonds. C’est ensuite Soizig Aubry qui a repris cette mission, et qui a lancé aussi un blog, et mené un travail de communication sur les réseaux sociaux. On accompagne ainsi aussi la diffusion de ces fonds.

En termes de légitimité, le projet est bien identifié au niveau national. On s’est vu confier, par le ministère de la Culture, la mission d’agrégateur intermédiaire. Donc, on s’inscrit dans cette circulation des flux, des données culturelles au niveau national et européen. Pour l’instant, les « tuyaux » ne sont pas en place, c’est en cours de fabrication, mais on participe à cette fabrication.

En 2021, les ministères ont eu l’obligation de créer un service, les SNUM (les services du numérique), pour travailler toutes les données produites et qui concernent les différents ministères. Le SNUM a été créé pour le ministère de la Culture en 2021 et a produit une feuille de route sur les données culturelles, mais au sens très large : on a bien sûr les objets numérisés culturels et les métadonnées descriptives, mais on a aussi les données d’usage, les données de fréquentation, etc. Il y a une volonté d’uniformiser, de travailler autour de la donnée au niveau ministériel.

Au préalable, il existait un projet dans lequel Bretania s’inscrivait, qui s’appelait « Moteur Collections », qui était un agrégateur de métadonnées mais au niveau national, et qui alimentait en partie Europeana. On était dans une logique de strate, avec des propriétaires et des producteurs de métadonnées culturelles, un agrégateur intermédiaire, Bretania, qui alimente un agrégateur national, Collections, qui alimentait Europeana. Le projet Collections n’est plus d’actualité désormais, il n’est plus mis à jour, et il a été décidé, au ministère de la Culture, de recréer un nouvel agrégateur national, en mesure d’alimenter plus facilement Europeana, qui s’appuierait sur des agrégateurs intermédiaires et sur de grosses institutions pour alimenter cette agrégation.

C’est Bretania qui s’est vu confier ce rôle d’agrégation pour la Bretagne.

Comme pour Bretania à l’échelle régionale, à l’échelle nationale, il y a un espace de rencontre, un espace de discussion, un espace de travail. On se réunit régulièrement pour réfléchir à ces problèmes de circulation des données, de choix de référentiel, de modèle de données ; on fait de la mise en réseau de réseaux.

Identifies-tu d’autres réseaux que le réseau breton sur le territoire national ?

Il existe d’autres agrégateurs, mais pas sur le format Bretania : musée de Strasbourg, le Mucem, la Fabrique du patrimoine en Normandie, qui est aussi un agrégateur de musées, la Réunion des opéras de France, les musées de la région Grand Est, les Musées de Reims… On est vraiment très musée. Archives départementales de l’Isère, Musée Nouvelle-Aquitaine, Cité de la Musique, Philharmonie et DRAC PACA.

Quels axes d’évolutions actuels du projet autour du web sémantique peux-tu évoquer ?

Pour ce qui est des évolutions, on part d’un constat qui est celui d’un manque de cohérence dans les données, vu la diversité des sources, donc un problème de qualité documentaire. C’est lié au peu de traitement effectué lors de l’intégration des données, à l’absence de référentiel ; on n’est pas classiquement dans les bonnes pratiques documentaires. L’outil ne nous le permet pas. De plus, on n’a pas vraiment travaillé le modèle de données, on a été, pendant toutes ces années, plutôt dans l’inclusion. C’est ce que je disais : on ne met pas la marche trop haute, on travaille d’abord avec les contributeurs et on regarde ensuite comment améliorer tout ça.

On va rentrer dans une nouvelle phase, à mon sens. On va retravailler le modèle de données de Bretania, on va en créer un, un peu plus robuste, on va essayer de travailler sur différents référentiels. Mais on ne va pas le faire seuls. C’est pour cela que notre travail autour de l’agrégateur national est important : cela permet que l’on puisse profiter de l’expérience, du travail et de l’expertise de l’agrégation nationale pour pouvoir le réexploiter à notre niveau.

On aimerait s’appuyer sur les normes du web sémantique, ce qui permettrait de créer des modèles un peu plus souples. Et un autre souhait important, pour dépasser la situation actuelle où nos données peuvent être disséminées en OAI-PMH mais pas plus, est que les établissements, les personnes, puissent aussi s’approprier ces données, toujours dans cette logique de circulation et de compatibilité des données culturelles. En parallèle à la mise en place d’un nouveau modèle de données et de nouvelles manières de les traiter, notre objectif est donc de proposer une nouvelle manière de les ouvrir et de les rendre disponibles.

Sur le modèle des portails open data ? Avoir des outils de réutilisation en direct ?

Voilà. Est-ce qu’on passe par des API ou via un point d’accès SPARQL ? C’est en cours de réflexion. On avait fait une demande de financement qui n’a pas été acceptée. Là, on a un enjeu fort en termes de coût humain et financier. Il faut qu’on arrive à s’en sortir. Mais l’avenir du portail passera par une meilleure qualité documentaire, des données mieux organisées, et surtout plus de capacité à les disséminer et à les rendre disponibles pour des acteurs qui souhaiteraient s’emparer de cette matière-là.

Il y a un portage du Conseil régional, mais qui fait face à des difficultés budgétaires, donc on a moins de latitude pour lancer de nouveaux projets.

Quel bilan chiffré peut-on faire du projet ?

Il y a deux gros systèmes de mesure d’audience : Matomo d’un côté, et le système de statistiques interne à Syracuse. Mais les données ne sont pas cohérentes entre elles.

Pour Matomo, on est sur 500 visites journalières, ce qui n’est pas énorme. Et ça, ça va être aussi un sujet qu’on va travailler dans les années qui viennent : on va essayer de se faire un peu plus connaître au niveau des usagers potentiels.

J’ai un indicateur qui commence un peu à se lisser : jusqu’à maintenant, si on fait une annonce sur les réseaux sociaux, on voit qu’on a un pic de fréquentation, ce qui tend à montrer qu’on n’est pas sur un usage installé. On est vraiment encore sur un usage de « je vais cliquer et je vais regarder ». On n’est pas encore tout à fait reconnu par les usagers, au sens large, comme site internet d’intérêt auprès du grand public.

Ça se comprend, une des forces du projet, c’est d’être porté par une structure neutre, mais le corollaire, c’est qu’on a un site qui n’est pas « incarné » : il n’a pas de public captif tel qu’un musée ou une bibliothèque. Il est difficile pour un usager de comprendre ce qu’est Bretania, et de comprendre qui est derrière Bretania. Donc là, c’est un point qu’on va essayer de travailler, et aussi ouvrir les données pour que les personnes qui souhaitent travailler cette matière-là puissent créer des outils et faire connaître ces fonds.

Un grand merci à toi, Gwenaël, pour ces échanges et cet éclairage sur cet objet numérique enthousiasmant qu’est Bretania !

Mardi, Avril 1, 2025

Le projet Bibliothèque eXpansion Numérique : Entretien avec Victor Gayed

Introduction

Entretien écrit (également disponible au format PDF) au sujet du projet Bibliothèque eXpansion Numérique avec Victor Gayed en collaboration avec Hélène Bert et Hans Dillaerts.

Victor Gayed est diplômé d’un BUT Information-Communication, parcours Métiers du Livre et du Patrimoine, filière Bibliothèque, et exerce aujourd’hui en tant que référent numérique en bibliothèque. Passionné par les enjeux du numérique en bibliothèque, il a initié le projet Bibliothèque eXpansion Numérique (BXN), une plateforme participative visant à cartographier et référencer les ressources numériques accessibles en bibliothèque. Au-delà de cet état des lieux, BXN se veut également un espace de partage de connaissances, proposant des tutoriels, des outils et des visuels collaboratifs pour accompagner les professionnels dans l’intégration et la valorisation du numérique au sein de leurs établissements.

L’entretien en lien avec le projet

Pouvez-vous présenter le projet Bibliothèque eXpansion Numérique et les objectifs qu’il poursuit ?

Bibliothèque eXpansion Numérique, aussi appelé par son acronyme BXN, est un projet participatif visant à créer une carte interactive et un référentiel national des ressources numériques disponibles dans les bibliothèques françaises. Face à l’absence d’un outil centralisé et régulièrement mis à jour, BXN offre une solution ouverte, collaborative et accessible à tous.

C’est durant ma formation universitaire (BUT Information-Communication, parcours Métiers du Livre, spécialité bibliothèque), et plus particulièrement durant mon stage, que l’idée du projet a commencé. Avec des missions autour des ressources numériques de l’établissement ainsi qu’un mémoire portant sur le sujet, j’ai épluché et parcouru de nombreux travaux et études existants sur ce sujet. Toutefois, bien que toutes ces ressources aient été très intéressantes et pertinentes dans leurs propres domaines, j’ai constaté qu’aucune base de données centralisée ne permettait de visualiser et d’analyser l’offre numérique des bibliothèques françaises, une nécessité d’autant plus marquée dans un contexte de transformation numérique croissante.

Il existe déjà plusieurs initiatives et collectes de données sur les ressources numériques en bibliothèque, chacune répondant à des objectifs spécifiques. Par exemple, le Catalogue Collectif de France (CCFR) ne propose pas de recherche spécifique sur les ressources numériques des établissements, tandis que l’Observatoire de la Lecture Publique (OLP), géré par le Ministère de la Culture, collecte chaque année des données sur les ressources numériques des bibliothèques, mais leur visualisation est aujourd’hui limitée par l’obsolescence de l’outil Geoclip. Par ailleurs, le réseau CAREL, qui constitue aujourd’hui la ressource la plus complète sur le sujet, met à disposition des informations précieuses sur l’évaluation et l’échange autour de l’offre payante.

Cependant, certaines fonctionnalités, comme leur outil de cartographie des ressources numériques, sont réservées aux adhérents, et la plateforme ne recense que les établissements proposant des ressources numériques affiliés à leur réseau. De plus, depuis la réorganisation de ses missions, l’évaluation des ressources a été transférée à la mission numérique de la BPI, qui se concentre désormais sur l’expertise et l’analyse des offres.

BXN se positionne donc en complément de ces dispositifs existants en apportant une approche participative et collaborative. Plutôt que de se limiter à une enquête annuelle ou à une liste d’établissements adhérents, BXN permet à l’ensemble des acteurs (bibliothécaires, usagers, institutions, etc.) de contribuer activement à l’enrichissement des données. Ce modèle collaboratif favorise une mise à jour continue des informations et une meilleure visibilité de la diversité des ressources numériques proposées sur le territoire.

Néanmoins, une question légitime peut se poser : si, parmi les initiatives déjà existantes, aucune ne propose aujourd’hui une approche centralisée et participative permettant d’avoir une vision d’ensemble des ressources numériques en bibliothèque, BXN répond-il réellement à un besoin ?

Ma réponse, sans grande surprise au vu du projet que j’ai décidé de créer, est un oui ferme et convaincu : ce projet est non seulement utile, mais nécessaire ; et ce, pour deux groupes majeurs : les étudiants et chercheurs, mais également les professionnels des bibliothèques.

Les raisons de l’utilité pour ce premier groupe sont, à mes yeux, évidentes. Un jeu de données ouvertes et exploitables peut être interprété sous différents angles, selon les critères d’analyse choisis, et permet une compréhension bien plus fine et nuancée d’une réalité donnée. Contrairement aux statistiques figées issues d’études traditionnelles (où les méthodologies et critères d’analyse peuvent parfois rester opaques), des données ouvertes offrent une transparence et une flexibilité précieuses.

Je ne peux cacher que mon avis est biaisé par mon propre parcours, mais j’aurais beaucoup apprécié disposer d’un jeu de données clair et accessible sur les établissements proposant des ressources numériques, ainsi que sur la nature même de ces ressources. Cela m’aurait permis d’alimenter plus efficacement l’état de l’art de mon mémoire, mais aussi de tirer des conclusions plus fines et pertinentes.

Pour le deuxième groupe, les professionnels des bibliothèques, les raisons sont multiples. En premier lieu, le projet, grâce à son outil de carte interactive, offre une visibilité accrue des offres numériques proposées par d’autres établissements. Cette première raison, essentielle selon moi, en amène naturellement une seconde : avec cette meilleure visibilité, les bibliothécaires peuvent entrer plus facilement en contact les uns avec les autres, partager leurs réussites comme leurs défis, et ainsi créer une dynamique d’entraide et de collaboration.

Ces deux dimensions (la visibilité et la collaboration) forment, à mes yeux, un véritable levier stratégique. Avec autant d’établissements proposant des ressources numériques, il est presque certain qu’une même ressource soit partagée par plusieurs structures. Pourtant, bien que chaque contexte soit unique (par exemple, avec un public ou des contraintes différents), pourquoi faudrait-il réinventer la roue à chaque fois lorsqu’il s’agit de médiation autour de ces ressources ?

L’idée n’est pas d’uniformiser les formes de médiation, loin de là. J’apprécie personnellement ce temps de créativité, mais il est vrai que cela nécessite à la fois du temps, des compétences (souvent liées au numérique) et des professionnels. Or, il arrive souvent que l’on manque de l’un de ces éléments (principalement le temps), ou même de tous.

La plateforme de partage de BXN permettrait ainsi de créer une base d’inspiration collective où les réussites et les expérimentations puissent circuler librement. Pour illustrer cela, on pourrait prendre l’exemple de Canva, un outil de design en ligne permettant de partager des modèles terminés (comme une affiche ou une brochure), que d’autres personnes peuvent ensuite adapter et personnaliser à leurs besoins. Cela permettrait de gagner beaucoup de temps.

De la même manière, BXN peut servir de boussole collective. Plutôt que chaque établissement tâtonne seul dans ses choix de médiation ou de déploiement de ressources numériques, la plateforme permet de s’inspirer des pratiques réussies ailleurs, de comprendre ce qui fonctionne et pourquoi, et d’ajuster ses propres initiatives en conséquence. Au-delà de la cartographie, BXN vise à faciliter les échanges entre professionnels et à devenir une plateforme de mutualisation de ressources et de conseils pratiques. Comme exemple notoire de conseils partagés sur la plateforme, il y a une carte mentale recensant des ressources numériques libres et gratuites, et un tutoriel à venir (pour le moment limité au SGBD Syracuse, mais modifiable pour d’autres SGBD) expliquant comment intégrer les livres libres de droits des plateformes [Ebooks Libres et Gratuits] et [Bibliothèque Numérique Romande], sans avoir recours à un connecteur payant.

Je suis conscient que BXN est un projet ambitieux qui repose sur l’engagement et la participation des acteurs du domaine. Les possibilités que je décris s’inscrivent dans une perspective où la plateforme aurait réussi à fédérer une communauté active autour de cette initiative.

Aujourd’hui, le principal défi reste donc de faire connaître BXN et d’encourager les établissements à y contribuer, non seulement lors d’une première participation, mais aussi dans une dynamique de mise à jour régulière des informations, par exemple après un an. Pour cela, j’aime à penser que le centre de partage de connaissances et de ressources pourrait jouer un rôle clé : en offrant un espace d’échange utile aux professionnels, il inciterait ces derniers à revenir régulièrement sur la plateforme, renforçant ainsi leur engagement et favorisant une actualisation continue des données.

Pourquoi avoir choisi le nom “Bibliothèque eXpansion Numérique” pour ce projet ?

Le nom Bibliothèque eXpansion Numérique peut sembler inhabituel au premier abord, mais il a été choisi pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, je voulais un nom court, accompagné d’un acronyme simple et mémorable. Un intitulé trop long, même s’il décrit parfaitement le projet, aurait pu rendre son acronyme difficilement utilisable et peu engageant. Par exemple, un nom comme Projet participatif centré autour des ressources numériques dans les bibliothèques de France aboutirait à un sigle indigeste tel que PPCARNBF.

Ensuite, le terme “expansion” a été choisi pour illustrer l’évolution continue des bibliothèques vers le numérique. Loin de se limiter à leurs collections physiques, elles développent et explorent de plus en plus d’offres numériques, s’inscrivant ainsi dans une dynamique d’expansion et d’adaptation aux nouveaux usages.

L’emploi de la lettre X au lieu du E dans “eXpansion” est un choix avant tout visuel et symbolique. Il permet de créer un effet de croisement entre les notions de bibliothèque et de numérique, un peu à la manière d’une multiplication. De plus, il distingue BXN d’autres sigles très répandus dans le domaine, notamment BN (Bibliothèque Numérique), BNR (Bibliothèque Numérique de Référence), Bibliothèque Numérique Romande (également BNR), voire même de la célèbre marque de biscuits nantais (BN).

Le nom du projet, comme d’autres aspects, reste ouvert à des suggestions d’amélioration. L’objectif est de créer un projet clair et rassembleur, et je suis prêt à l’adapter en fonction des retours et de l’évolution du projet.

Qui sont les acteurs impliqués dans ce projet ? Ce projet est-il porté par une institution, un collectif, ou une autre structure ?

À ce jour, le projet BXN est principalement porté par moi-même, en tant qu’administrateur, développeur et responsable des démarches de communication et de sensibilisation. Cependant, je tiens à souligner que le projet repose avant tout sur une dynamique collaborative : les établissements participants jouent un rôle essentiel en contribuant directement à la carte interactive et au référentiel, faisant ainsi vivre et grandir la plateforme.

Conscient de l’importance d’élargir cette base de soutien, j’ai entrepris des démarches pour tisser des partenariats avec des acteurs majeurs du secteur, comme le réseau CAREL. Mon objectif est de renforcer la crédibilité et la visibilité du projet en m’appuyant sur des structures reconnues.

Pour garantir la transparence et offrir une vue d’ensemble des actions menées, j’ai également mis en place un journal de bord public. Chaque avancée du projet, qu’il s’agisse d’une opération de communication, d’une modification du formulaire, de l’ajout d’un jeu de données ou d’une nouvelle fonctionnalité, y est consignée. Ce document permet de suivre l’évolution du projet et témoigne de son dynamisme et de sa rigueur.

Au-delà de la participation directe au projet via le référencement d’un établissement ou de ses ressources, toutes les personnes et collectifs intéressés sont chaleureusement invités à me contacter par mail pour toute remarque, suggestion ou discussion. Qu’il s’agisse d’un désaccord sur la classification d’une ressource, d’une erreur à signaler sur le site, ou de toute autre réflexion liée au projet, chaque retour est précieux.

En tant que porteur unique de BXN, je suis bien conscient de mes limites : je n’ai ni la science infuse, ni une vision exhaustive de l’ensemble des réalités du terrain. Il est donc non seulement possible, mais aussi probable, que certains points m’échappent ou que des ajustements soient nécessaires.

Les échanges que j’ai pu avoir, par exemple, avec la coordinatrice des ressources numériques de la Bibliothèque départementale des Côtes-d’Armor ou avec le directeur des bibliothèques de Caen, ont été particulièrement enrichissants et ont permis d’améliorer des aspects importants du projet. Ces dialogues constructifs sont essentiels pour faire avancer BXN dans la bonne direction, et je reste entièrement ouvert à ce type de collaboration.

Pouvez-vous en dire un peu plus sur le formulaire « Ajouter un établissement » ? Quelles sont les informations spécifiques demandées dans ce formulaire ?

Le formulaire « Ajouter un établissement » constitue la méthode principale de contribution au projet BXN. Comme son nom l’indique, il permet de référencer un établissement non encore répertorié. Le choix du terme « établissement » plutôt que « bibliothèque » découle d’une volonté d’être le plus neutre et inclusif possible, car de nombreuses structures de lecture publique utilisent des appellations variées qui ne contiennent pas toujours le mot « bibliothèque ».

Il est important de souligner que seules les informations publiques relatives aux établissements sont collectées via ce formulaire. Aucune donnée personnelle ou sensible n’est demandée, telles que les statistiques de fréquentation, les dépenses liées aux ressources numériques ou toute autre information confidentielle.

  • Les informations générales de l’établissement :
    • Nom de l’établissement
    • Adresse de l’établissement
    • Type d’établissement
    • Champ de description optionnel
    • Tranche de population desservie
  • Fonctionnement en réseau ou non
    • L’aspect numérique de l’établissement :
    • Présence d’un portail internet ou non
    • Label(s) numérique(s) (exemple : BNR)
    • Mode d’accès aux ressources numériques
  • Les ressources numériques proposées, permettant d’identifier les différentes offres disponibles au sein de l’établissement.

Le formulaire a été conçu avec le souci d’être le plus inclusif possible. Cependant, il est possible que certaines options spécifiques à un établissement ne soient pas encore disponibles (par exemple, une ressource particulière qui n’est pas référencée). Pour remédier à cette situation, toutes les rubriques et sous-rubriques du questionnaire incluent une option « Autre ». Lorsque cette case est cochée, un champ texte apparaît, permettant d’indiquer les informations manquantes directement. Ces nouvelles spécificités seront ensuite intégrées progressivement comme options prédéfinies, afin que de futurs contributeurs puissent les sélectionner facilement.

Pourquoi avoir choisi cette approche plutôt que de viser une exhaustivité dès le départ ? Certes, une classification parfaitement exhaustive serait idéale, mais elle est difficilement réalisable dès la phase initiale du projet. Plutôt que de viser une exhaustivité illusoire, j’ai préféré poser une structure solide et claire, avec des catégories et sous-catégories bien définies. Cette méthode garantit une organisation cohérente des données et permet une évolution progressive et maîtrisée de la classification.

Enfin, ce choix s’inscrit dans une logique collaborative : le projet BXN s’appuie sur l’expertise et les contributions des participants. Grâce à vos retours et à vos ajouts, la base de données pourra évoluer constamment, s’enrichissant au fil du temps pour mieux refléter la diversité et la richesse des pratiques professionnelles dans les bibliothèques. Concernant les questions présentes dans ce formulaire, ces dernières n’ont pas été choisies au hasard.

Elles sont fortement inspirées des deux études sur les ressources numériques en bibliothèque de lecture publique publiées par le Ministère de la Culture. Ces travaux ont mis en évidence l’importance cruciale de disposer d’informations détaillées et précises pour comprendre les dynamiques propres aux ressources numériques et faciliter des comparaisons pertinentes entre établissements aux profils similaires.

En ce sens, le formulaire a été conçu pour offrir une base solide de comparaison et d’analyse, en permettant une contextualisation fine des données recueillies et en assurant des comparaisons justes et éclairées entre les établissements.

La notion de ressource numérique étant vaste, quelles sont les catégories ou typologies retenues dans le cadre de ce projet ?

En effet, la notion de ressources numériques est particulièrement vaste, à tel point qu’il est nécessaire de segmenter la réponse pour en clarifier les différents aspects.

Concernant la classification des ressources numériques : la structure suivie par BXN s’inspire largement de la classification établie par le réseau CAREL, avec quelques ajustements : * Les catégories [Autoformation], [Jeunesse] et [Presse] sont conservées telles quelles. * La catégorie [ebook] a été renommée [Livre numérique] pour plus de clarté. * La catégorie [Image & son] a été scindée en deux catégories distinctes : [Cinéma] et [Musique]. * La catégorie [Généralités] a été intégrée comme une sous-catégorie de [Base de données].

À ces catégories s’ajoutent trois nouvelles entrées : [Jeu-vidéo], [Patrimoine numérisé] et [Plateforme libre et gratuite]. Les deux dernières ont été intégrées suite à des échanges avec des professionnels du secteur.

Concernant le formulaire : seules les ressources numériques commerciales (payantes), à destination des usagers, sont répertoriées dans les options disponibles. Une exception notable est faite pour la catégorie [Livre numérique], où les ressources gratuites et libres peuvent également être signalées.

Initialement, toutes les catégories pouvaient inclure des ressources payantes et gratuites. Cependant, des échanges avec la coordinatrice des ressources numériques de la Bibliothèque départementale des Côtes-d’Armor ont rapidement mis en lumière l’immensité du paysage des ressources libres existantes. Les référencer individuellement aux côtés des ressources commerciales aurait été non seulement complexe, mais aurait également rendu le formulaire lourd et fastidieux à remplir.

Pour répondre à ce défi, une nouvelle catégorie dédiée, [Plateforme libre et gratuite], a été ajoutée. Elle permet aux contributeurs d’indiquer une estimation globale des ressources libres référencées par leur établissement, que ce soit sur leur portail ou sur une plateforme dédiée, telle que la Librothèque de la BDP des Côtes-d’Armor.

Cependant, il n’était pas question de reléguer ces ressources libres au second plan. Pour pallier cette limite du formulaire, j’ai conçu une carte mentale des ressources numériques avec l’outil FramindMap (disponible sur la page Ressources de BXN). Cette carte a pour but de mettre en lumière les nombreuses ressources libres disponibles, tout en intégrant également les ressources commerciales répertoriées dans le formulaire. Les ressources libres y apparaissent avec une police plus grande pour mieux les distinguer et les valoriser. Bien sûr, cette carte est appelée à évoluer avec le temps, notamment grâce aux suggestions et contributions des participants.

La catégorie [Patrimoine numérisé] est apparue à la suite de mes discussions avec le directeur des bibliothèques de Caen. Un établissement proposant la consultation d’œuvres numérisées en ligne peut ainsi le faire figurer dans le formulaire. Il est vrai que, lors de la création des catégories, cette dernière m’avait échappé alors que je me concentrais sur d’autres aspects du projet.

Comment les demandes de rajout d’établissements ou de ressources sont-elles vérifiées et traitées ? Existe-t-il un processus particulier pour garantir la fiabilité des données collectées ?

La participation au projet BXN est ouverte à toutes et à tous. Il est possible de contribuer de deux manières : de façon anonyme, c’est-à-dire sans compte GoGoCarto, ou en s’identifiant via un compte. La différence principale réside dans le suivi : une personne identifiée pourra recevoir des notifications concernant le statut de sa contribution, tandis qu’une contribution anonyme restera sans suivi personnalisé.

Une fois le formulaire rempli et envoyé, la contribution n’apparaît pas automatiquement sur la carte comme un point officiel. Elle passe d’abord par une phase de vérification. Actuellement, je suis l’unique administrateur en charge de cette étape. Je m’assure que les informations fournies sont cohérentes, complètes et conformes aux objectifs du projet avant de valider ou non la demande.

Cependant, GoGoCarto propose également un système collaboratif de modération. Dans ce cadre, plusieurs membres identifiés peuvent approuver une contribution. Une fois qu’un certain nombre d’approbations est atteint, la contribution est automatiquement validée et ajoutée à la carte, sans nécessiter une intervention directe de l’administrateur.

Ce double système (validation par un administrateur et possibilité d’une modération collective) vise à garantir à la fois la qualité et la fiabilité des données collectées, tout en permettant une gestion plus flexible et réactive des contributions.

Comment les données disponibles sur la plateforme peuvent-elles être exploitées ou réutilisées par les utilisateurs ? Proposez-vous des outils ou formats spécifiques pour faciliter cette réutilisation ?

Les données du projet BXN sont ouvertes et accessibles à tous, dans une logique de transparence et de partage. Afin de faciliter au maximum leur exploitation, deux méthodes principales sont proposées sur la page Ressources du projet :

  1. Téléchargement direct des jeux de données pré-formatés Chaque mois, un jeu de données actualisé est exporté depuis la console administrateur, puis transformé en tableaux clairs et lisibles avant d’être déposé sur un espace nuagique partagé (Proton Drive). Ces fichiers sont disponibles aux formats Excel (.xlsx) et OpenDocument (.ods), afin de garantir une compatibilité avec la majorité des tableurs. Chaque fichier suit une nomenclature précise (AAAA_MM_JJ-format-data_BXN) permettant d’identifier facilement la date d’export. Cette organisation permet non seulement d’accéder aux données les plus récentes, mais également de retrouver des versions antérieures pour des comparaisons ou analyses historiques.

  2. Export personnalisé via GoGoCarto Pour les utilisateurs souhaitant réaliser un export plus personnalisé, GoGoCarto propose la possibilité de récupérer directement les données au format JSON. Toutefois, ce format brut, bien que très puissant, n’est pas toujours facilement manipulable par tous les utilisateurs. C’est pourquoi un tutoriel détaillé a été mis à disposition. Ce guide explique étape par étape comment transformer les données JSON en un tableau lisible, tout en fournissant les éléments clés, comme le modèle de données utilisé dans BXN. Cependant, ce tutoriel reste une suggestion : les utilisateurs plus expérimentés sont libres d’adapter ou d’utiliser leurs propres méthodes d’exportation et de transformation des données.

Le modèle de données utilisé pour ce projet a été conçu afin de faciliter l’exploitation et l’analyse des informations collectées. Il se présente sous la forme d’un classeur (disponible aux formats Excel et OpenDocument) comprenant plusieurs feuilles de calcul : une première feuille regroupe l’ensemble des options possibles pour chaque question du formulaire, tandis qu’une seconde feuille propose un tableau structuré permettant une exploitation rapide des données.

Ce tableau, bien que contenant un grand nombre de colonnes, a été pensé pour optimiser l’analyse des données. Par exemple, chaque catégorie de ressource est représentée par deux colonnes distinctes : une colonne numérique, indiquant le nombre total de ressources appartenant à cette catégorie pour un établissement donné, et une colonne textuelle, listant précisément les ressources associées.

Concrètement, si un établissement propose les ressources Skilleos et Assimil, la colonne numérique affichera “2”, tandis que la colonne textuelle indiquera “Skilleos / Assimil”.

Pour accompagner cette structuration, un document explicatif est disponible sur la plateforme. Il détaille le fonctionnement du modèle de données ainsi que les formules utilisées pour générer et organiser les informations du tableau.

À partir des données déjà collectées, quelles observations ou conclusions pouvez-vous tirer concernant les établissements ou les ressources numériques répertoriées ?

À ce jour, nous avons recueilli des données de 33 participants, ce qui reste insuffisant pour tirer des conclusions définitives. Toute observation doit donc être interprétée avec prudence. Cependant, une tendance intéressante émerge de cette analyse préliminaire : la forte présence de la ressource “Médiathèque Numérique” parmi les établissements proposant des ressources numériques.

Sur les 20 établissements (tous types confondus) qui offrent au moins une ressource numérique, 18 proposent une offre cinéma/vidéo. Parmi eux, 17 incluent “Médiathèque Numérique”, soit seule, soit en complément d’autres services.

Ces premiers résultats font écho aux conclusions de l’étude de 2022 sur les ressources numériques en bibliothèque de lecture publique. Celle-ci montre que 72 % des bibliothèques interrogées disposent d’au moins une ressource vidéo, faisant de cette catégorie l’une des plus répandues. Par ailleurs, 36 % des bibliothèques ayant répondu à l’enquête citent Médiathèque Numérique, en faisant la troisième ressource numérique la plus mentionnée.

Si ces tendances se confirment avec un échantillon plus large, cela pourrait indiquer une relative homogénéité dans l’offre cinéma proposée par les bibliothèques, avec une prédominance de Médiathèque Numérique. Ce constat illustre l’intérêt du projet BXN, qui vient compléter les études existantes en offrant une vision plus détaillée de la répartition des ressources et de leur concentration au sein des bibliothèques françaises.

Merci beaucoup Victor pour ta contribution et cet entretien riche et passionnant.